Des étoiles sur le carreau

Toujours aussi traumatisée par les manches ratées de ma robe Etoiles et Carreaux, j'ai peur de la ressortir pour travailler dessus et m'apercevoir que le carnage est pire que celui auquel je m'attends. Pourtant, avec le travail de forçat qu'il y a sur cette robe, j'ai vraiment pas envie de l'abandonner dans un coin. Faut juste que je me remotive. Et comme vous n'avez pas la moindre idée de ce que je suis en train de vous parler... D'une pierre, 2 moineaux (version anglaise de l'expression, plus ou moins :p ).

Il était une fois une robe qui ne cassait pas trois pattes à un canard au premier regard. Appartenant au Musée Galliera, elle n'a été publiée, à ma connaissance, qu'une seule fois dans le catalogue d'exposition Modes et Révolutions. Présentée comme une robe Epoque Directoire (à cause du dos étroit, des manches en mitaine, et des têtes de manches très rejetées en arrière comme les épaules), cette robe a néanmoins pu continuer à être portée jusqu'en 1815. J'ai même tendance à penser qu'elle a pu être raccourcie à une époque plus tardive que 1798, car cet ourlet droit sans traîne est très étonnant pour l'époque. Il y a toujours une petit traîne minimum, habituellement, ne serait-ce que pour adoucir la ligne arrière de la robe.

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(encore une fois, pardon pour la qualités des images de ce post, mais mon appareil photo est une merde sans nom)

Cette robe apparaît très simple, avec ces petites lignes, ces fleurettes, sa couleur marron. Sauf que ce ne sont que des apparences : la robe est en fait un brocard de soie, les lignes des carreaux très fins, et les fleurettes, des étoiles à si branches. Oui oui, des étoiles sur des carreaux. On dit toujours qu'il y a des choses interdites dans le costume. La règle n°1 étant souvent : si c'est trop graphique, c'est trop moderne. De manière générale, on dit beaucoup de conneries sur les tissus en matière de reconstitution. La question n'est pas de savoir si les motifs très graphiques et très modernes, sont utilisés en mode depuis longtemps (on sait très bien qu'ils le sont, les tissus d'habillement 1830 sont les tissus le plus modernes et délirants qui existent), la question est de savoir correctement manier cette modernité, en utilisant le point de vue de l'époque. Qu'est-ce qui fait que les carreaux et les étoiles fonctionnent ? Ils sont petits. Et les motifs sont disposés de manière régulière. Les tissus à très petits motifs TRÈS TRÈS modernes sont légions au XVIIIe siècle, comme en témoignent les exemples suivants

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Les photos proviennent du Facebook de l'expo Threads of Feeling. Tous ces tissus datent du XVIIIe siècle. A l'époque, tous les hospices anglais chargés de recueillir les enfants abandonnés demandaient aux mère de laisser un "token", une relique pouvant permettre, plus tard, de réunir mère et enfants s'ils le désiraient.

Bref.

J'ai envie de cette robe de manière obsessionnelle depuis des années, ne serait-ce que parce que je sais que ce type de tissu est impossible à trouver. Un brocard, avec cet arrangement précis de carreaux et d'étoiles ? Et puis quoi encore. J'ai pensé un moment choisir une soie à carreaux et broder les étoiles dessus, mais pour le coup, le côté simple de la robe en aurait été perdu. Et puis en rangeant mes tissus, je suis retombée sur un tissu à carreaux en coton que j'avais acheté pour rien, certaine de ne rien trouver à en faire, tant pis ça ferait de la toile. Les carreaux sont simples et suffisamment petits et réguliers pour obtenir l'effet désiré. Il suffit d'y faire des étoile de couleurs foncées pour obtenir le même genre de contraste que la robe d'origine.

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C'est comme ça que l'idée à germer d'imprimer moi-même mon tissu, pour rester dans la simplicité. Tout ceci restant très expérimental, je n'ai absolument pas chercher à obtenir la perfection. La robe (presque) achevée est bourrée d'erreur d'impression, d'ailleurs.

Première étape, le tampon. J'ai décidé de le fabriquer moi-même, c'est marrant, pas cher, et j'aurais le motif désiré. J'ai taillé le tampon dans de la gomme de bureau, tout simplement. C'est très facile à tailler, trop sans doute. La durée de vie est limitée. Pour faire des impressions à grande échelle, je déconseille. Comme c'est de la gomme, ça part un peu en charpie, normale, c'est le principe. Remarquez, mon tampon est maintenant dans un état déplorable, mais il a tenu pour le tamponnage de toute la robe ! Faudrait que je le prenne en photo dans son état actuel. 

Il existe des plaques de gomme spéciales pour graver les tampons. De marques japonaises et américaines. De meilleure qualité, moins fragiles, moins friables, elle conviennent mieux paraît-il, mais vu le prix, je réserve les deux petites que j'ai acheter pour un projet plus élaboré.

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Tampon après le premier essai. Inlavable, il est maintenant beaucoup plus sombre et impossible à utiliser avec une autre couleur que le violet. La croix, c'était pour imprimer dans le bon sens : eh oui, toutes les branches ne sont pas semblables, il y a un sens d'impression. J'en ai fait l'expérience à mes dépens.

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J'ai fait plusieurs essais de couleur avec 2 types de violet différents et aussi en imprégnant plus ou moins le tampon. Il en résulte qu'il faut toujours prendre en compte le fait que la couleur du tampon encreur est beaucoup plus foncée que la couleur obtenue (comme on ne peut pas les essayer en magasin, et vu le prix, il vaut mieux être prévenu à l'avance), et qu'il faut beaucoup imprégner le tampon pour obtenir une impression régulière. Et enfin qu'il faut aussi faire attention à bien appuyer le tampon à plat, sans le basculer : ça, niveau bavures, ça ne pardonne pas. J'ai eu beaucoup moins ce genre de problèmes avec les tampons du commerce. Ils sont montés sur bois, ça aide (à faire pour le prochain essai).


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La jupe en cours d'impression. Comme la table est entièrement couverte par le tissu, mes "instruments" se retrouvent sur le tissu, d'où le morceau très sale de lin épais pour reposer mon tampon et éviter de salir. Je marque l'emplacement de chaque étoile à l'avance. Je l'ai fait au crayon de bois : à éviter, ça se voit à travers l'encre. Sous le tissu, en transparence, un magazine pour aplanir (au cas où la table ne l'est pas, plate. J'étais sur une vieille table en bois XIXe à grosses rainures) et palier aux accidents : parfois l'encre traverse. Bien repasser les impressions au fer chaud pour les fixer. Moi je n'ai sans doute pas assez insisté, j'ai déjà des coutures où l'encre dégorge :(  Expérimental, je vous dis.

La jupe est constituée de 2 grands panneaux et un petit : 1 journée entière à tamponner, et un mal au dos atroce.

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Je n'ai pas encore pris en photo la jupe montée, mais je trouve que le corsage rend pas mal, non ? De nouvelles photos dans pas trop longtemps, j'espère, quand j'aurai le courage d'affronter ma robe. 

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