Guide de survie minimal en milieu hostile de chintz à l'usage du costumier
Le sujet ayant été mis sur le tapis (par moi) sur Facebook, et la réponse ayant été, à ma grande surprise, immédiate ("non, mais t'as quoi contre le chintz ?!"), je pense qu'il faut rétablir quelques règles de base avec un petit post impromptu. La première correction à faire : Wikipedia, oui, c'est bien, mais la plupart des articles sont bêtement retraduits depuis l'anglais sans autre forme de procès, et c'est souvent une belle connerie.
Le chintz en langue anglaise, et le chintz en langue française, ce n'est pas la même chose. Le chintz en anglais, ce sont toutes les toiles de coton à motif de fleurs. C'est vaste comme programme et en particulier, ça regroupe des tissus qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. En France, le chintz, également appelé chintz anglais, est type particulier de tissu à fleur qui fait très "thé et scones anglais". Très reconnaissable.
On va se concentrer sur deux données principales du chintz : c'est un tissu à très grandes fleurs et/ou ça représente des roses (oui, c'est un graaaaand classique du chintz).
Première erreur : tous les tissus à grandes fleurs ne sont pas du chintz (en langue française, puisque c'est celui-là que j'essaie de définir). En particulier, les tissus de type "indiennes" ne sont pas du chintz. Les indiennes c'est le bien, et c'est ce genre de tissu qu'il faut utiliser pour une robe XVIIIe.
On peut les reconnaître comment ?
--> Fleurs souvent vues de profil, ou si elle sont vu de dessus, elles sont plates. Le volume (la 3D) n'est pas une donnée de l'indiennes.
--> Flore totalement imaginaire
--> Les fleurs sont souvent bordées d'un liseré noir ou sombre.
--> Beaucoup de "branchages" lient les motifs de fleurs, souvent avec de plus petites fleurs associées à ces branchages.
--> une organisation serrée du motif qui forme vaguement une grille
--> Les couleurs sont fortes : des rouges profonds, des bleus outremers, des verts foncés, etc. Il y a souvent aussi un mélange de couleurs "réalistes" avec d'autres un peu moins (les fleurs violettes ne sont pas légions, les grosses fleurs violettes encore moins. Or, regardez l'exemple ci-dessous...)
Le chintz anglais. Utilisé dans l'habillement à partir de 1830-1840. Se caractérise par un changement chromatique radical. A bas les couleurs fortes, vive le réalisme et les pastels. On peut généralement reconnaître les fleurs du chintz, alors que les fleurs des indiennes sont imaginaires. Au début certaines caractéristiques de l'indienne sont conservées, elles disparaîtront plus tard. Dans ce premier exemple, les contours des motifs de fleurs sont encore très nets, même s'ils ne sont plus relevés de noir, et on voir encore des branchages. Par contre l'organisation serrée et en grille de l'indienne a laissé la place à une organisation plus aérée et en ligne verticale. Ce tissu est très marqué XIXe, il ferait une très chouette robe 1830-1840.
Deuxième exemple de chintz anglais, le plus typiquement associé à la notion de chintz. Des roses en bouquet, des couleurs ultra pastelles, avec des contours à effet flou, une organisation très aérée en lignes horizontales cette fois. L'effet voulu est celui du jardin anglais. A éviter à tout prix en matière de XVIIIe, et à utiliser avec prudence et parcimonie pour le XIXème. Ce tissu est très marqué années 1950-60.
Reste un cas difficile : celui du chintz à petit motif : certains peuvent être utilisé pour le XVIIIe en respectant des règles de base : les petits motifs au XVIIIe sont souvent très rapprochés, généralement simples (fleur simple, plutôt que bouquet), et si vous devez choisir une couleur, choisissez plutôt une couleur foncée qu'une couleur claire. La couleur foncée fera oublier que vos motifs n'ont pas des contours assez précis. Dans les deux exemples ci-dessous, le premier est à éviter en matière de XVIIIe, le second peut passer, mais plutôt pour une robe à l'anglaise, et à la rigueur un caraco (mais de ce que j'en ai vu, ça marche rarement sur les caracos, alors que sur les robes à l'anglaise, ça passe très bien). Jamais, jamais, jamais sur les robes à la française. JAMAIS.
Ces deux exemples conviennent par contre parfaitement pour des robes XIXe. (enfin, bon, le premier est assez moderne quand même, il ne convient peut-être pas "parfaitement", mais des petits bouquets de fleurs de ce type conviennent très bien).
Ces deux exemples conviennent par contre parfaitement pour des robes XIXe. (enfin, bon, le premier est assez moderne quand même, il ne convient peut-être pas "parfaitement", mais des petits bouquets de fleurs de ce type conviennent très bien).
De manière générale, en matière de XVIIIé siècle : évitez les tissus à bouquets, les tissus avec des roses et les motifs trop espacés. Oui, les bouquets et les motifs espacés, ça existe au XVIIIe, mais vous remarquerez que ce sont souvent des broderies, pas des motifs imprimés.
Comme je l'ai dit, c'est un guide de survie minimal. Je pourrais élaborer. Mais là j'ai pas le temps :)
Merci merci pour cet article ! La question du motif est épineuse quand on n'y connaît rien, du coup je vois mieux ce que j'aurais dû prendre pour mon caraco (même si l'avantage indéniable du tissu choisi est qu'il était gratuit).
RépondreSupprimerEncore encore des articles de ce genre steuplééé !! :)
Bonjour !
RépondreSupprimerJe me permet d'ajouter un petit point : le chintz associe à la fois la présence de fleurs, mais aussi un aspect particulier ...
Définition donnée par l'IFTH, l'Institut Français du Textile et de l'Habillement:
Chintz
toile unie ou imprimée ayant un aspect brillant et glacé obtenu par calandrage et traitement hydrophobe (Calandrage = opération qui consiste à faire passer le tissu entre deux cylindres en pression avec ou sans chauffage)
Hiii le dernier tissu c'est ma robe! Mai en bleu! ♥♥♥
RépondreSupprimerj'ai oublié un "s", c'teu honte!
RépondreSupprimerKatikut : oui, j'ai pensé à toi en le voyant !
RépondreSupprimerAurélie : c'est vrai, j'ai oublié d'en parler. Mais c'est une particularité du chintz anglais, celui dont je parle en 2nd. Les chintz genre indienne ne sont pas fait avec ce système. Mais du coup, l'aspect glacé le rend carrément importable, ce tissu :/
Lucie : voui... j'essaie de pas faire de remarque quand j'en vois, parce que c'est pas forcément constructif : toi par exemple, ton caraco, elle est super bien taillée et cousue, donc, ce serait juste de la pure méchanceté de critiquer le tissu.
Mais personnellement, j'ai une aversion profonde pour le chintz anglais utilisé en matière de XVIIIe siècle. J'y peut rien, c'est physique...
Plus d'articles de ce genre : en fait, c'est prévu, c'est prévu ;)) mais je me bats un peu contre les connections internet chiantes et Blogger ultra-casse-bombec en ce moment, ça aide pas.
Ah mais en fait, en le relisant, je réalise qu'elle est même pas écrite en français, ma réponse. Épatant ce que j'ai le cerveau déglingué après avoir passé quelques heures à essayer d'enseigner à des morveux débiles...
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