Côte turque (épisode 4)
Rappel des premiers épisodes : notre héroïne a chaud, n'a pas assez de lumière pour coudre et prendre des photos, et horreur ! elle a une vie à côté qui la ralentit dans la constitution de ce tutoriel : épisode I, ep II et ep III
En en arrive à ce moment fatidique, qui s'attaque à tous les fondements de fragile confiance en soit que l'on possède, ce moment où l'on fronce les sourcils, plisse le front, grince des dents, et éventuellement, pleure aussi un p'tit coup, ce moment où l'on se dit forcément, forcément, OMG cette robe est ratée/ne va pas marcher/j'ai fait une connerie. Je vis ce moment fatidique à chaque robe, parfois à tort, parfois à raison, mais cette fois, il se trouve qu'en plus, je suis en plein sous mon petit spotlight-tutoreil, ce qui n'est pas pour calmer ma petite crise d'angoisse.
Le fait est, je crois, que mes baleines sont beaucoup trop dures, et que ça va se ressentir sur la robe finie. Ça m'énerve. Ça m'énerve, parce que même si j'avais le temps, de tout refaire et changer complètement mes baleines (mais avec le tuto et les 40 autres choses que j'ai à faire, je ne peux pas), il se trouve que je n'ai pas de baleines correctes de rechange, puisque je ne suis pas chez moi. Donc, ça va continuer à m'énerver, et faudra que je fasse avec.
Bref. Je suis énervée.
Bref. Je suis énervée.
Mon premier geste après avoir refait, on s'en souvient, mon dos pour la quatrième fois, à été de bâtir mes pièces tissu et doublure ensemble. Pour éviter qu'elles bougent, évidemment, mais aussi pour marquer les lignes de couture. Ça peut éventuellement vous servir pour la suite.
On attaque ensuite le côté-dos. Pour coudre cette partie on va utiliser une technique expliquée dans la livre Costume Close-up à propos de la veste suivante.
In Costume Close-up n° d'inventaire 1962-259
Musée de Colonial Williamsburg.
La veste est aujourd'hui dans un musée américain, elle fut portée une colon américaine, classe populaire-petite bourgeoisie, probablement. Par contre, le musée a déterminé qu'à l'origine la veste, datée de 1775-85 environ, était probablement française. Ce qui nous fait, avec la technique que je vous ai montrée dans mon post précédent, deux techniques dont on peut être sûr qu'elles furent utilisées en France (et mine de rien, c'est pas si facile de sourcer géographiquement des techniques de couture).
Cette technique, qui semble assez courante, s'exécute en deux temps. On commence par replier les valeurs de couture de la pièce de côté sur l'envers (sur le bord qui sera assemblé avec le dos). Au fer, c'est mieux ^^.
On travaille sur l'endroit (c'est important). On pose l'envers face contre table.
D'un côté, on a donc notre dos, qui est fait de deux épaisseurs utilisées comme une seule. De l'autre, on prend une de nos pièces de côté en tissu, non-doublée.
On épingle le bord à la valeur de couture repliée sur le dessus du tissu de le pièce de dos, en se servant du fil de bâti comme guide.
On épingle le bord à la valeur de couture repliée sur le dessus du tissu de le pièce de dos, en se servant du fil de bâti comme guide.
L'intérieur ressemble à ça. Avec cette méthode, vos valeurs de couture seront toutes du même côté de la couture.
Vous faites votre couture extérieure au point avant. Je reprécise, mais on travaille depuis l'extérieur, pas depuis l'intérieur. C'est mieux si vous voulez voir ce que vous faites mais c'est surtout mieux pour faire une belle couture. C'est votre couture extérieure finale, elle ne sera pas recouverte. Elle sera toujours visible.
Ma couture finale n'est pas tout à fait sur le fil de bâti qui me servait de guide, mais si les différences sont de moins de 3 millimètres, ce n'est pas très grave (quand on ajuste la toile -- étape zéro de la couture -- on n'ajuste pas au millimètre). Si vous avez presque un centimètre de différence, par contre, vous pouvez commencer à vous inquiéter. Parce qu'en réalité, avec cette méthode de couture, les millimètres perdus (ou rajoutés) le sont sur chaque pièce : un centimètre de différence "visible" correspondra vraiment à deux centimètres (rajoutés ou enlevés).
C'était la première étape. Le seconde étape consiste à rajouter la seconde doublure. On a bien au préalable (voir plus haut) retourné sa valeur de couture.
On épingle la doublure sur l'intérieur, de la même façon que l'on avait épinglé la pièce de côté en tissu sur l'extérieur. On recouvre la couture au point avant pour qu'elle soit invisible (ça devrait recouvrir aussi le bâti, mais si ce n'est pas totalement le cas, ce n'est pas grave, le bâti s'enlève rapidement s'il est toujours visible. Mais vous n'avez pas besoin d'être complètement puriste à ce propos. Etant donné le point de couture que l'on utilise pour fixer la doublure -- point qui est invisible sur l'extérieur --, vous pouvez vous permettre de dépasser un peu.
Ma baleine étant récalcitrante, j'ai dépassé à cet endroit de pas mal de millimètres (j'ai essayé de le montrer avec l'épingle). L'important, c'est que cela ne soit que sur un petit bout (négligeable sur l'architecture d'ensemble), et non sur l'ensemble de la couture. Si c'est sur toute la couture, ça risque d'être visible de l'extérieur, et cette couture ne bougera pas correctement.
(Vous noterez aussi que l'important, c'est de ne pas se prendre la tête de manière psycho-rigide sur tous les petits détails. Je vous rassure que sur les robes que l'on voit dans les musées, des erreurs et des arrangements avec la couture, on peut en trouver plein aussi.)
J'ai fini par revenir sur le droit chemin :D
Le point que j'emploie pour fixer la doublure est une forme de point de surjet. Mais après avoir fait quelques recherches sur internet, j'ai l'impression de ne pas le faire correctement (mon cerveau fonctionne à l'envers...), donc hum, je le donne à titre indicatif.
Le surjet est un point qui sert normalement à assembler deux lisières de tissu, ou du moins ce qui sert de lisières : ça peut être des bords découpés, des valeurs de couture retourné comme moi, ou encore comme ici, une valeur de couture retournée posée sur un autre tissu. Le surjet est un point en diagonale. Pour ceux qui aiment les analogies : quand on lace un corset XVIIIe, on utilise un seul lacet qui se lace en diagonal, car on considère que le laçage est ni plus ni moins qu'une variation de la couture. On lace en surjet.
Pour faire un surjet correct (je pense), il faudrait commencer à travailler à partir de la droite et avancer vers la gauche. Je pars en sens inverse, depuis la gauche. Ce qui fait que je forme mes points diagonaux à l'envers. Je pique en haut à droite sur le tissu du haut (sur l'image, car bien sûr -- pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué -- dans les faits, ma doublure blanche est en dessous de ma doublure à fleurs...), je prends un ou deux brins, puis je pique le tissu du bas, par en dessous, deux millimètres sur le gauche de l'endroit ou j'ai piqué en premier. Je prends un ou deux brins ici aussi. (Pour faire une couture fine, on ne prend normalement qu'un brin, mais je trouve que beaucoup de tissus ne sont pas tissés assez serrés pour ça.) Faites bien attention que votre fil soit toujours placé au dessus de l'aiguille avec ce genre de couture.
Sur la deuxième image (j'ai cousu cette partie en noir pour que ce soit bien visible, évidemment, le reste est fait au fil blanc), vous pouvez voir la largeur des points : les cinq ou six premiers sont trop larges, j'ai réduit par la suite.
Pas de photos d'ensemble de l'assemblage de la doublure, parce que depuis 2 jours, on veille les morts sous un joli ciel d'orage, plus moyen de faire des photos correctes (ça rend la suite de ce tuto trop cool à préparer.)
Pour ceux qui auraient pu avoir du mal à comprendre tout ce bazar, on va résumer tout ça avec un schéma du livre Costume Close-up. La couture que je vous ai montrée, c'est ça :
To be continued, avec une technique prise dans Patterns of Fashion de Janet Arnold.
Ce tuto est une vraie mine d'information, merci beaucoup !
RépondreSupprimerTu dis coudre la pièce de côté au point avant, est-ce que c'est une couture assez solide ? On m'a toujours dis que le point avant est peu conseillé et qu'il vaut mieux faire un point arrière ?
Pour le surjet (avec lequel j'attache toutes mes doublures ou goussets) je confirme que tu le fais à l'envers, on le fait plus souvent de la droite vers la gauche avec le rentré de couture proche de nous; mais par contre le point que tu fais existe aussi...mais je ne connais pas le nom, je me rappelle juste l'avoir vu faire.
RépondreSupprimerMerci :)
RépondreSupprimerEn fait, le point avant est le point majoritairement utilisé en couture, au XVIIIe, et aussi à l'époque Empire. Sur ce type de couture en l'occurrence, c'est très clairement le cas dans le livre où je l'ai découverte (et un point arrière ne serait vraiment pas très esthétique. Le point arrière, c'est plutôt pour les coutures où il y a de la tension : les emmanchures, majoritairement, les bretelles aussi. Quand on porte un corset, la tension que l'on exerce sur le tissu est sensée être moindre (sauf si le corset n'est pas assez serré).
A part si le costume est fait pour aller crapahuter dans les bois dans un GN avec beaucoup d'action, le point avant fonctionne très bien :-P
L'important, c'est 1) d'avoir un fil solide : coton, c'est mieux que polyester. Et en cas de doute, on peut toujours le doubler. Quand mes coutures sont invisibles, je double mon fil, mais je suis un peu paranoïaque ^^ 2) que le point avant soit serré (point peu espacés).
Merci @Audrey !
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