Turkeybones (épisode 2)

Deuxième partie du tutoriel un peu longuette à venir parce que soyons honnête, la pose des baleines, c'est un truc chiantissime. Et cette fois, j'ai choisi de faire ça "bien" (je traduis : je me suis compliqué la vie à m'en donner la migraine). Je vais vous montrer une manière soigneuse de poser les baleines, mais je vais aussi vous expliquer les manières plus paresseuses, et si vous préférez être paresseuses, vous avez ma bénédiction ! D'habitude, je suis plutôt paresseuse aussi :P

A ma connaissance, la manière employée dans les livres anglais pour décrire la pose des baleines au XVIIIe siècle est assez ambiguë. Janet Arnold mentionne des baleines dans leurs casings. Hum. Casing (on peut traduire par étui) a dans ce cas-là un double sens en anglais. Soit il s'agit d'un étui individuel de tissu ou de ruban sergé dans laquelle on enferme la baleine, et on coud le tout (baleine dans étui) sur le vêtement : au XIXe siècle, les baleines sont souvent vendues dans le commerce déjà dans un étui. Soit il s'agit d'un "couloir" fait de tissu ou de ruban sergé préalablement cousu sur la doublure du vêtement, et à l'intérieur duquel on glisse ensuite la baleine non recouverte. 

Sans précision supplémentaire, les deux me semblent crédibles pour le XVIIIe (notez le "semble". Je n'ai pas de certitudes en ce qui concerne le sujet). La seconde manière est la plus rapide et la plus simple des deux. Mais la première me semble plus efficace à plusieurs points de vue (c'est celle que j'ai employée) : le "couloir, cousu à l'avance est souvent un peu large et la baleine se balade à l'intérieur. Oui, ça ne bouge que de quelques millimètres, c'est pas grave... Pour le port de votre vêtement, non, pour la survie de votre ruban sergé ou du tissu de votre doublure, c'est moins sûr : une baleine métallique, mais aussi parfois les baleines plastiques, ont des bouts coupés, donc tranchants, qui en frottant vont transpercer les couches qui les abritent. J'ai une méthode système D pour ça, ce n'est pas histo, ce n'est pas génial, mais c'est le mieux que j'ai trouvé (ça vient de Jean Hunnissett) : on recouvre les bouts avec du sparadrap. Problème : ça colle sur les tissus et c'est un nid à saleté. Et c'est pahisto = MAL.

La seconde méthode va remédier aux deux : la baleine ne peut pas bouger et frotter puisqu'elle est prisonnière de son étui, et les bouts tranchants sont recouverts directement par le ruban sergé, qui empêche de déchirer la doublure (et comme ça ne frotte quasiment pas, ça n'abîme guère le sergé). Mais la seconde méthode faite à la main est interminable, un pensum.

Il existe, une troisième méthode pour placer les baleines que dans ma grande paresse (mea maxima culpa), j'utilise souvent d'habitude. Janet Arnold mentionne une robe où les baleines sont coincées entre le tissu et la doublure : comme elle ne mentionne pas, par ailleurs, que l'on voit les points sur l'extérieur de la robe, j'ai supposé (je suppose encore) que la baleine est cousue dans une valeur de couture assez large pour servir de "couloir". Ce n'est pas sans poser de problèmes techniques. Les baleines sont souvent (mais pas toujours) posées sur des coutures courbes. Or, pour qu'une couture courbe correctement, il faut cranter les valeurs de coutures. Vous voyez le problème. C'est donc la méthode paresseuse, pas toujours couturièrement correctement, et en plus, il faut aussi trouver un moyen de recouvrir les bouts tranchants (j'en suis vraiment beaucoup revenue de la méthode sparadrap).

Il faut que je vous mentionne également les problèmes posés par les baleines elles-mêmes. La majorité des baleines que l'on trouvent dans les robes du XVIIIe sont en métal. Sauf que les baleines en métal d'aujourd'hui existent en plusieurs dureté, et la majorité ne prennent pas bien les coutures courbes. Mais pas bien du tout. Il faut soit remplacer par du plastique (mais je ne trouve pas ça assez solide, une seule petite baleine en plastique), soit essayer de trouver de la baleine métallique featherweight, plus légère. En France, il n'y a qu'Alysse création chez qui j'en ai trouvé, mais je ne sais pas si ils en ont de manière permanente. De toute façon, il faut réfléchir au problème avant de se lancer. (je suis catégoriquement contre les baleines spirales pour le XVIIIe, ça ne bouge pas correctement.)

En ce qui me concerne, je n'avais que de la baleine métallique à corset épaisse, du coup, je n'ai baleiné que les partie non-courbées de la robe : c'est un baleinage léger, c'est possible. Il existe le versant inverse avec le baleinage psychopathe consistant à entourer toutes les coutures de 2 baleines. Jamais fait. C'est pas nécessaire, et well, un peu taré.

***

On commence tout simplement par recouvrir la baleine. Si, c'est simple. Long mais simple. On fait des points assez large, sinon les deux bords du ruban qui se superposent vont former un pli ou plutôt une bosse. Ce n'est pas la peine de serrer le ruban fermement autour de la baleine, car je rappelle qu'il va ensuite falloir coudre le tout sur la doublure !

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Notez qu'on peut rabattre le bout de l'étui de la baleine à la fin seulement comme on le fait de l'autre côté. Mes baleines se cassent à la main en les pliant, du coup, les bouts sont très légèrement courbés ver le centre. Je me suis arrangée pour que les rabats (plusieurs couches superposées de sergé) se trouve de ce côté-là : le bout coupant est donc vraiment protégé.

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Ça n'a pas besoin d'être joli, ce sera invisible.

On obtient une baleine de ce genre :

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Le côté avec les points de couture sera posé sur le tissu de doublure, et sera donc (bis repetitant) invisible.

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On épingle comme on peut la baleine (pas facile). Je me suis débrouillée presque la majorité du temps sans les aiguilles. L'important c'est de réfléchir à la manière de poser vos baleines, en fonction de la technique de couture que vous allez utiliser ensuite. Le plus simple est de ne pas les coller contre la future ligne de couture, mais 3 ou 4 millimètres à côté. Ça ne change rien au résultat final. Mais ça va faciliter votre couture.

Par contre, on ne colle pas non plus les baleines près de la ligne de couture supérieure (sous l'aisselle, au col). Pour l'aisselle, c'est pour éviter qu'elle ne vous rentre dans la chair (!), pour les autres cas, c'est parce qu'une baleine trop près du bord vous empêchera d'ourler correctement votre rebord supérieur. Sur la partie inférieure, c'est moins grave, ce sera caché sous la partie jupe du manteau de robe.

En ce qui me concerne, j'ai dû prévoir quelque chose d'un peu spécial pour la pièce de dos (j'aurais dû faire la même chose pour la couture sous le bras, mais j'ai oublié.) Pour faciliter mon futur travail, j'ai coincé la valeur de couture sous la baleine. Et oui, on ne va pas l'assembler comme une couture traditionnelle !

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On peut coudre les baleines à grand points, ça devrait tenir. Mais ce n'est pas très beau sur la doublure, les points larges. J'ai cousu à petits points (brrr... très long. Pour les courageuses.)

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On pique à travers le ruban sur bord de la baleine. En général, vous réussirez à piquer à un ou deux fils du bord (sur le ruban): c'est bien suffisant. Par contre, chaque point se fait individuellement, ce n'est pas un point avant où on peut piquer plusieurs points en même temps (l'un des avantages de la technique du couloir en sergé cousu sans la baleine à l'intérieur).

Où place-t-on les baleines ? Une sur la couture milieu dos. Qui ne decsende pas jusqu'en bas, les baleines ne sont pas les amis de vos faux-culs. Sur la pièce dos-côté, on en trouve souvent deux, une sur chaque couture. Plutôt que de mettre la baleine sur la pièce de devant, on la met sur cette pièce. (C'est comme ça sur beaucoup de robe d'époque. Honnêtement, je ne sais pas si ça change quelque chose.) La pièce de devant n'es pas obligatoirement baleinée. Une baleine sur le milieu devant n'est ni absolument nécessaire, ni d'ailleurs très utilisé dans les robes d'époque. On en met quand le devant ferme par un laçage. Je le conseille aussi sous des boutons, pour des compères, par exemple, et parfois, ça sert pour les crochets, quand il n'y en a pas un nombre suffisant. (Par contre, si vous mettez des bandes de crochets de lingerie toutes faites sur vos robes XVIIIe, vous êtes invitée à quitter ce blog. Quittez la pièce. Partez. Loin. Vade Retro Satanas !)

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A la prochaine partie du tuto, on attaquera ENFIN le cœur du sujet avec l'assemblage du dos.

Pour ce faire, j'ai coupé mon tissu, et piécé l'un de mes devants pour utilisé au mieux mon tissu : c'est histo, SI ! Je vous montrerai le piéçage en question, la prochaine fois (le piéçage, c'est looooooong...).

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