Piéçons, mes bons


Haha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ! Bien bien bien.

Il serait dommage de laisser notre bonne, mais totalement dispensable, amie Fanny dans son ignorance crasse du monde des puristes (et des costumières modestes, par la même occasion, qui sont à priori les premières à avoir besoin de piécer, sans avoir besoin d'être puristes). Comme elle a lancé depuis cet été plusieurs bouées trouées de ce genre envers les puristes -- comprenez, moi, car elle n'en connaît pas beaucoup d'autres (car Fanny est comme ces gamins qui piétinent les fourmilières : elle va pleurer que les Drama Ant Queens l'attaquent, mais elle ne peut pas s'empêcher de recommencer), je trouve qu'il serait malpoli de ne pas lui répondre au moins sur cette belle boulette.

Ça tombe bien, dites-donc, ça faisait des siècles que je cherchais une bonne excuse pour vous parler du piéçage.

Image trouvée sur internet, textes rajoutés par une copine, Eysmeralda Darkstone. 
Elle m'avait taguée sur FB sur le premier hibou...

Et donc, on peut faire du costume depuis dix ou quinze ans et (prétendre) jouer les ravis de la crèche sur le sujet du piéçage qui est quand même un sujet de prédilection dans les discussions entre costumiers. Et pas seulement les puristes. *nutts*

Pour les autres curieuses qui font du costume depuis moins longtemps, et qui seraient encore peu au fait du sujet, voici quelques brillants exemples du sujet :

 (clic-clic !)


   
Imatex, Caraco espagnol v.1775-90

Robe à l'anglaise 1765/70 vendue chez Poppies Cottage 
La plupart des images a disparu, celle ci-dessus est conservée dans mon Pinterest

Possiblement un exemple de piéçage-rapiéçage. Difficile à dire. Mais même si c'est un rapiéçage, vous remarquerez qu'on rapièce avec les chutes du même tissu qu'on avait précieusement gardées.

Met Museum : Robe ronde 1780

Imatex : caraco espagnol v. 1750

C'est beau, hein ? J'adore le piéçage.

***

Maintenant, la question qui fâche : "à quand le reconstituteur puriste qui fait de même ?"

Ah bah : tout de suite. Voire même depuis 10 ans. Voire même depuis toujours. Et pour ça, pas besoin d'être puriste. Juste d'être un peu court sur le tissu, ou de vouloir réutiliser des chutes. Un comportement normal de couturier, en fait.

(toutes les photos sont cliquables pour voir mieux les coutures des piéçages)

Laisse-moi d'abord te présenter Sarah de A Most Peculiar Mademoiselle, reine du piéçage. D'autant plus malheureuse est ton ignorance de son travail, Fanny, que 1) c'est une EXTRAORDINAIRE costumière, mais elle ne fait que du populaire, elle doit donc passer sous ton radar, 2) ces deux costumes en particulier a été faite pour le Historical Sew Fortnightly. Mais comment peut-on suivre le HSF et ne pas avoir vu passer les merveilles de Sarah ? 

Bonnet viking piécé, par Sarah

Ce deuxième exemple est tout particulièrement extraordinaire, je la cite : "each sleeve is made from ten (very carefully placed) pieces, not counting the cuffs". Il faut dire qu'elle a tiré une robe (populaire) 1850 d'une nappe de 2,5m sur 1,5m... *love & adoration*

Robe 1850 par Sarah

Remontons un peu dans le temps : en 2008, Brocade Goddess de Rockin' the Rococco, pour son formidable projet universitaire de reconstitution d'une garde-robe, a fait une robe à la française, et a prolongé les robings en les piéçant.

Robe à la française par Brocade Goddess

Parmi les adeptes de cet art, on trouve aussi JennyLaFleur ayant ici piécé le devant de sa robe pour obtenir la bonne longueur à l'ourlet. C'était en 2011.

Robe à l'anglaise piécée, par Jenny-Rose

Encore plus ancien, mais représentatif d'un autre versant du piéçage : en 2003, Kendra de Démodé piéçait avec un autre tissu les parties invisibles de son jupon de robe à la française. Totalement histo.

Jupon de Robe à la Française par Kendra

***

Voilà pour les exemples auxquels je pense en premier quand le mot "piéçage" intervient dans la conversation, et je suis convaincue qu'il suffirait de lancer un appel pour trouver dix ou quinze costumières de plus qui piècent de manière parfaitement naturelle sans même se dire qu'elles sont particulièrement puristes.

Mais... comme ce coup de pied envers les puristes m'était à priori et peu subtilement destiné, et que c'est mon blog, on va s'attarder sur mon cas, ça va être encore plus marrant (et vous comprendrez mon hilarité du début).  

Est-ce que la Costumière Hystérique qui-fait-chier-avec-son-purisme pièce ?

Mazette... Quand je dis que J'ADORE le piéçage, c'est pas pour plaisanter. Je suis vraiment une grande fan.

Exhibit A : mon premier costume fini, et Kendra est l'une des mes références pour l'historiquement correct, surtout quand on manque de tissu. Comme je ne suis qu'une débutante pas encore puriste, je lui fait aveuglément confiance. Bon point.

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Exhibit B : plus récente, cette robe trop courte sur le devant pour lui faire un ourlet, piécée de manière invisible : la couture est sur la ligne d'ourlet.

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Ouais, elle n'est pas repassée. The hell with that !
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Exhibit C : Mon dernier projet fini, l'ensemble casaquin plissé. Les emmanchures avaient été taillée strop profondes, ce qui rendait l'assemblage des manches impossible. Piécé des deux côtés (dans le dos) au même niveau, l'un des piéçages a disparu dans la couture, l'autre est toujours visible.

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Exhibit D, E et F : ce sur quoi je suis de travailler en ce moment !

Premier exemple : un tablier Empire, pas encore fini. Je le montre ici pour la première fois, parce qu'il se photographie et se repasse très mal, comme vous allez pouvoir le constater, et que tant qu'il n'est pas fini et porté, ce n'est pas un costume très emballant. Mais il est piécé. Je voulais un tablier avec beaucoup de tissu, très plissé, mais qui aille aussi loin dans le dos. Or, mes 3 mètres de tissu faisaient de la résistance. Les pièces de chaque côté du dos sont donc faites chacune de deux morceaux, qui ne sont pas imprimés dans le même sens. C'est léger mais ça se voit. Piécer, c'est aussi savoir parfois accepter d'aller contre le sens du tissu ou du motif (on en reparle pour la pièce suivante).

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Retour sur une morceau que j'ai piécé cet été (en voiture : Quimper-Saint Etienne, c'est long, faut s'occuper ^^) , et qui après repassage... crie pour être refait ! Il est raté. Piécé, c'est assez compliqué, parce qu'on le fait le plus souvent avec des chutes, ou des morceaux qui ne sont pas spécifiquement taillés pour s'adpater à la pièce principale, ou qui ne sont pas dans le même sens ni de motif, ni de tissage que la dite pièce. En vis à vis, le morceau jumeau qui lui n'avait pas besoin d'être piécé. (ce sont les dos-côtés d'une future pélisse/redingote Empire) Troisième photo : ce à quoi peut ressembler un piéçage qui se fiche royalement d'être raccord au niveau motif : de toute façon comme j'ai piécé par manque de tissu, ça n'aurait pas été possible. Mais il faut ajouter que le motif n'est absolument pas imprimé droit ! On ne peut pas se battre contre ça.

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Dernier exemple, mais mon préféré, mon précieux à moi : la robe à la Turque dont je reprendrais prochainement, j'espère, le tuto. Là aussi, piéçage dicté par manque de tissu. Mais cette fois, j'ai carrément tenté le diable et mon piéçage est sur le pièce de devant ! (Ah je viens de voir une syncpope dans l'assistance). Le dessus comme la doublure sont piécés. Pour le dessus, j'ai bien dû passer 1h30 à calculer mon piéçage pour qu'il se fonde le plus possible dans le motif, sachant que mes chutes étaient toutes de la taille de ma paume. Je très très fière du résultat.

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(la doublure)
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Et vous, comment piécez-vous ?

Commentaires

  1. Mon tablier XVIIIme en cours est piécé en plein milieu du plastron. Mauvais calcul de coupe de ma part, réparé de façon à ne pas perdre trop de tissu...

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  2. Quelle coincidence, j'ai piécé cet après-midi un jupon.
    Dans le haut du haut, qui sera caché par la traine en me disant que ouïe ouïe c'est pas beau de piécé (je n'aime pas ça, ne pas avoir en une traite)

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  3. j'avais un peu abandonné ma robe à la française à cause de manches trop serrées et pas assez de marge pour les élargir, on dirait que j'ai la solution maintenant.

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